condensée dont je vais vous parler ici nous permet d'appréhender l'essence de cette œuvre fondamentale qui reste, 16 siècles après sa création, un joyau du patrimoine culturel humain.

" Tout ce qui est dans le Mahabharata existe aussi ailleurs, tout ce qui n'y est pas n'existe pas ". Voici comment la tradition Indienne résume la richesse infinie de ce livre sacré qui contient tous les mythes de cette culture, et tout son esprit. Il fallut presque 1000 ans pour que le Mahabharata trouve sa forme définitive, du 4eme siècle avant Jésus Christ jusqu'au 4eme siècle de notre ère. Et au bout du compte, c'est L'Inde toute entière qu'il contient. Mais a travers la sagesse qu'il véhicule et la mythologie colossale dont il est a l'origine, c'est a l'humanité complete que s'étend le Mahabharata. On dit souvent que toutes les histoires on déjà été écrites il y a bien longtemps, et qu'on se contente depuis de les reproduire sous une forme différente. C'est exactement le sentiment qui nous investit lorsqu'on parcourt cette œuvre essentielle.

Car on retrouve à peu près tout dans le Mahabharata, de Dragon Ball Z à Shakespeare en passant par Tolkien et Hugo. Et ça n'est pas surprenant pour un fleuve que plusieurs dizaines de générations ont alimenté. Mais si le livre est agrémenté de divers récits annexes dont la longueur et les intentions varient, c'est avant tout autour d'un récit principal qu'il s'articule : celui de la guerre qui oppose les Pandavas et les Kaurava. Ce conflit dont le destin de l'univers dépend oppose respectivement 5 frères que la mère conçut avec 5 dieux, et 100 frères issus d'une seule boule de chair. Pour corser le tout, les deux clans sont cousins. Et a travers ce fil conducteur, c'est un trésor de philosophie, de mythes extraordinaires et de sagesse ancestrale qui se développe.

Le genèse du Mahabharata voit un vieil homme sortir du " profond des bois ". Sale et usé, il recontre un enfant a qui il entreprend de raconter la plus grande histoire du monde. Apparaît alors Ganesha, le dieu a tête d'éléphant, qui décide d'écrire le récit du vieil homme. Et tous trois s'assoient alors dans la foret ou ils verront la réalité fusionner avec la légende, et les personnages de l'histoire prendre vie. Ce qu'il est intéressant de préciser, c'est que contrairement au ton solennel qu'on pourrait s'attendre a trouver dans un livre aussi sacré , la palette narrative est particulièrement variée. L'humour y côtoie le mystique et le drame dans d'étonnantes ruptures. Ganesha par exemple est un vaillant déconneur, qui au bout de 10 pages dit au revoir a tout le monde croyant que l'histoire est finie. Mais sa main rondelette se remet bien vite a écrire lorsque Vyasa, le conteur, entre dans le vif du sujet.

Par une incroyable pirouette narrative, Vyasa est a la fois l'auteur et le géniteur des personnages dont il raconte l'épopée. Je ne résiste pas au plaisir de vous raconter ce paradoxe déroutant sur lequel est construit le Mahabharata : des le début du livre, Vyasa s'arrête car son récit est dans une impasse. Les figures ancestrales qui forment l'histoire du monde n'ont plus de descendance. C'est alors qu'un personnage intervient dans la réalité pour demander à Vyasa d'engendrer lui même les enfants qui lui permettront a la fois de perpétuer la dynastie et de continuer son histoire. Nos repères spatiaux temporels sont donc très vite soumis a rude épreuve, mais une fois que l'on a intégré cet élément fondateur, on accepte logiquement ce qui en découle : Vyasa se rend dans un château où on lui présente une jeune princesse : Celle ci est tellement dégoûtée par l'aspect du vieil homme qu'elle ferme les yeux pendant qu'ils sont au lit, et Vyasa profère alors une malédiction : le fils de la princesse naîtra aveugle. Comme il est impossible que le futur roi soit aveugle, on somme Vyasa de coucher avec une deuxième princesse, mais cette dernière est si incommodée par l'odeur du vieillard qu'elle en blêmit. La colère de Vyasa le pousse cette fois ci a prophétiser que l'enfant naîtra en mauvaise santé. Enfin, une servante accueille Vyasa sans défaillir, mais l'enfant qui nait alors ne peut prétendre devenir roi en tant que fils de domestique. Et c'est sur ces bases bien fragiles que le vieux conteur permet a son récit de poursuivre, et l'histoire du monde par la même occasion.

Ce genre de situation que l'on retrouve souvent au cours du Mahabharata possède une dynamique de conte, ou de tragédie classique. Ainsi, au fil des pages, on voit les frères Grimm croiser Corneille, en plus des références énoncées plus haut. Mais au delà du seul plaisir de l'histoire, c'est aussi toute la spiritualité Indienne que nous offre ce livre a travers des paraboles ou des enseignements directs. On peut ainsi tirer de nombreuses leçons a partir d'épisodes comme celui du pigeon et du faucon, ou du jeune disciple qui se coupe le pouce pour plaire a son idole.

Le Mahabharata est si riche et si complexe, ses ramifications tellement nombreuses et ses récits tellement divers que pour le résumer, il me faudrait le réécrire ici. Sachez juste qu'on y rencontre le fils du Soleil et le grand singe Hanuman, Krishna et son disque de lumière, Drona et ses passes invisibles qui peuvent paralyser une armée, Bhishma l'immortel et Ghatotkatcha le démon géant, et puis les hommes et vous même. Vous y verrez aussi des rivalités vieilles de plusieurs siècles et des malédictions, des amours impossibles et des combats cosmiques, et vous connaître les secrets des ermites et des dieux. Mais par dessus tout, vous aurez la sensation de lire une œuvre qui était la avant toutes les autres et qui les contient toutes. "Tout ce qui est dans le Mahabharata existe aussi ailleurs, tout ce qui n'y est pas n'existe pas ".